Pipes neuves, culutage ou pas ?

L'idée du culottage par tiers est toute simple si on s'en réfère aux phénomènes physiques engendrés par la combustion du tabac et aux caractéristiques du bois composant le foyer de la pipe :

On part de l'hypothèse qu'on utilise une pipe totalement neuve et sans préculottage. Le tabac est un hydrocarbure simplifié, à ce titre, sa combustion dégage principalement de la vapeur d'eau et du CO². Lorsque l'on fume la pipe, on aspire de l'air à travers le tabac ce qui ramène du comburant (oxygène de l'air) en contact avec le combustible (tabac) et la source de chaleur (incandescence) ce qui active la combustion et on force les effluents (vapeur d'eau et gaz carbonique) à se diriger vers le fond du foyer avant de passer par la tige et le tuyau. Si la pipe est pleine de tabac la vapeur d'eau va condenser sur les brins de tabac et humidifier le fond du foyer, le rendant plus tendre, les fibres du bois vont se redresser (à l'instar de ce qui se passe si on mouille une feuille de contreplaqué) et former de petites aigrettes facilement inflammables et les pores du bois vont s'ouvrir, lorsque la combustion arrivera au niveau du bois les aigrettes ainsi constituées auront séché et vont se consumer, l'incandescence se propageant dans les pores du bois. Lors du culottage par tiers, dans les premiers fumages la quantité de tabac située en dessous de l'incandescence sera faible, la vapeur d'eau n'aura donc pas le temps de condenser et n'humidifiera que très peu le bois du fond du foyer, ne soulevant que très peu de très fines aigrettes et n'ouvrant que très faiblement les pores du bois ; la chaleur engendrée par la combustion va durcir le bois en surface le rendant plus résistant à la combustion, goudrons et carbone vont commencer à se déposer en caramélisant à la surface du bois (culottage). Au bout de quelques utilisations, les pores du bois ne risqueront plus de s'ouvrir ni les aigrettes de se soulever. Progressivement, en mettant plus de tabac, on fera monter la zone protégée.

Bien évidemment, plus un bois est jeune et tendre, avec un grain "lâche" et plus le risque de départ de feu sur une veine tendre est important, toutefois il peut advenir qu'une veine extrêmement tendre soit sous-jacente à la surface du foyer dans une pipe réalisée dans un bois parfaitement sec. Roger Vincent m'avait sculpté un grenadier dans un bois provenant de son grand père, au second tiers du culottage une veine étroite s'est créée, carbonisant le bois en profondeur sur prés de 2 cm de haut, Roger n'a pu sauver la pipe et a du m'en refaire une.

Par esthétisme, on préfère souvent les straight-grain, avec un flammé agréable et bien développé, il est à savoir que de tels bois présentent une alternance rapide de zones à fibre très serrée et de zones à fibre très peu serrée, perpendiculaire au fond du foyer et que le risque de levage d'aigrettes et d'ouverture des pores est accru. Moins le grain est régulier, plus la flamme est vivante et plus le risque de veine tendre est grand. On doit donc être particulièrement attentif au culottage en ce cas. 

Il y a moins lieu de se préoccuper de bois au grain serré et régulier, souvent moins flatteurs à l'œil.

A ce niveau, c'est les cross grains horizontaux avec de belles plages de nœilnœils bien serrées de chaque côté qui présentent la meilleure conformation : de petits nœilnœils correspondent à un bois à la fibre bien serrée donc des pores et aigrettes plus petits, une fibre horizontale que ce soit au fond du foyer ou au niveau du perçage, là où l'aspiration ramène l'humidité donc un bois naturellement plus résistant au feu.