Le picotement de la langue.

Il n’y a aucun fumeur de pipe qui n’a jamais eu de picotement de la langue ou de « tongue bite ». 
Mais qu’est-ce que c’est et quelles en sont les causes ?
Il y a plusieurs explications et souvent chacun y va de son expérience et interprétation personnelle et comme toujours … personne n’a jamais tout à fait ni tort ni raison.                                                        
C’est une combinaison de plusieurs facteurs dus tant à la composition du tabac et à la façon de fumer que personnelle au fumeur ( donc corporelle).

Réaction chimique et pH
Le picotement de la langue est tout d’abord une réaction chimique causée par le degré d’acidité dans la bouche du fumeur en réaction avec celui du tabac.
Quand l’acidité sur la langue augmente on a très vite la sensation de « picotement » sur la langue (et parfois les muqueuses), p.ex. en cas de reflux.                                                                                                          
La salive a normalement un pH (degré d’acidité) entre 6 – 7,5 qui est la norme « neutre ».


De retour à l’école ?
Un pH moins élevé que celui de la neutralité (par exemple 5 pour une solution aqueuse) indique une augmentation de l’acidité, et un pH plus élevé (par exemple 9 pour une solution aqueuse) indique une augmentation de l’alcalinité, c’est-à-dire de la basicité. Un acide diminuera le pH d’une solution neutre ou basique ; une base augmentera le pH d’une solution acide ou neutre.


Autres causes ?


Les sucres : Certains tabacs comme par exemple le « Burley » qui est rarement fumé pur mais ajouté à des mélanges afin de les rendre plus corsés (Le Burley  étant riche en nicotine), est très pauvre en sucre. Par contre il contient plus d’azote et donne une fumée basique.                                                                                                   
Hélas, en ajoutant du sucre (additifs pour e. a. la conservation et l’humidification du tabac) cela donne plus d’acidité, d’où la rumeur que le Burley est la cause du picotement de la langue.                 
Ce n’est pas le tabac … ce sont les additifs !                                                                                                       
D’ailleurs on mélange le Burley souvent à du « Virginia » et/ou du « Périque », qui ont une fumée plus acide !


Les additifs d’humidification: Le sucre a déjà été nommé mais on ajoute également du « casing » (la marinade dans lequel on va tremper les feuilles de tabac), du PG (propylène glycol) et parfois également du sorbitol. Ce sont des additifs d’humidification qui doivent retenir l’eau dans les mélanges et éviter qu’elles ne dessèchent (poussière) et gardent un degré d’humidité idéal (souplesse du mélange, idéalement 13 à 18% d’humidité).                                                                        
Il est clair qu’on parle ici plus particulièrement des mélanges aromatiques !


Les deux produits sont non-toxiques, agrées pour les aliments.                                                                          
Le PG (propylène glycol = E 1520, non-toxique et non-cancérigène) est un fongicide et un humectant et utilisé actuellement également dans les produits pour la E-Cigarette, mais également dans des dressings pour la salade, des cosmétiques, des aliments pour chien (pas les chats !) etc. Le PG a également comme propriété d’être un bon porteur pour les essences florales ou artificielles de gout (naturelles ou synthétiques) qu’on y ajoute. En plus il est soluble dans l’eau ce qui est nécessaire puisque le « casing » est toujours à base d’eau.    
               Ex. : Essence DK Tobacco base flavor (essence de base pour mélanges dits « Danois »)               
                       Natural and artificial flavors, Propylene Glycol, Ethyl alcohol (a little bit)


Le sorbitol (ou glucitol) est un polyol (sucre-alcool) naturel qui est également utilisé en tant qu’agent humectant pour conserver l’humidité du tabac et l’empêcher de se désagréger. Il sert également à favoriser la combustion. Le gout en est légèrement amer mais cela est compensé par l’ajoute d’additifs sucrés.


Important : le degré d’acidité de la bouche est différente chez chacun d’entre nous ! Voilà déjà la première raison pourquoi ce qui picote pour l’un, ne l’est pas pour l’autre : la condition personnelle du corps du fumeur. On ne peut donc pas généraliser car chacun est différent.
C’est pour la même raison qu’on préconise de ne pas boire de d’alcools ou de boissons gazeuses car cela enlève une couche de protection de la langue et accélère l’agression linguale.


Le tabac
Comme déjà mentionné avant, l’ajoute de certains additifs, a entre autres comme résultat de favoriser la combustion.  
Un tabac humide (souvent sucré et/ou fort aromatisé) par contre rend la combustion difficile. Ce qui fait que quand le fumeur « tire » un peu plus sur sa pipe, il va encore augmenter la chaleur dans le fourneau de la pipe. De « normalement » 500° C vers facilement 700° C par endroits (!).            
Souvent les producteurs ajoutent dans leur mélange des morceaux de cake, des brindilles de feuilles de tabac, des morceaux de flake (les tabacs « mixed »). Le but en est de justement ralentir la combustion et il ne faut surtout pas les émietter ! 
Donc, si la chaleur augmente, le sucre va bruler plus vite et l’acidité va augmenter ainsi qu’un « surplus de chaleur » qui risque de se propager dans le tuyau de la pipe. D’où échauffement de la bouche (tongue burn) en plus du picotement sur la langue (tongue bite).
Auprès de mélanges fort humides il y a en outre un risque de condensation, certainement quand il y a un petit filtre en métal (zigouigoui), et on obtient le fameux jus de pipe (nicotinique) qui goute vraiment mauvais ou une pipe « juteuse» ou qui « glougloute ».


Pour résumer, le degré d’humidité, le fait de tirer/sucer plus sur la pipe et une température trop élevée sont également des causes de picotement. Plus que le tabac est humide, plus qu’il faut l’aérer avant de le fumer. Certainement une demi-heure et souvent cela ne suffit pas. D’aucuns « sèchent » leur tabac entre deux serviettes en papier absorbant pour accélérer le séchage et éviter ainsi le picotement. D’autres le passent au four , et en plus de sécher (le but) … ils le torréfient, d’où changement de gout (ce qui n’est pas nécessairement négatif  d’ailleurs).


Un tabac dit « naturel » est généralement beaucoup plus sec (p.ex. St. Claude, Semois) et brûle plus vite. Ici on ne peut pas parler d’additifs bien entendu mais par contre ce tabac brûle trop vite et quand on n’a pas une façon de fumer régulière et posée, on risque également d’expérimenter les fameux picotements.
En conclusion il est bon de constater qu’en fait il n’y a aucun tabac qui ne pique pas pour 100% des fumeurs pendant 100% du temps.
 
La « coupe » du tabac peut également être à l’origine des fameuses « brulures de la langue ». Le tabac coupé en « loose cut » (pas pressé et coupée en une seule fois) résulte en un tabac facile au bourrage (et en général assez sec). Ce type de coupe qui fait que le tabac brûle facilement (voir remarque ci-dessus). Il faut donc surtout ne pas fumer trop rapidement (trop grande combustion, fumée trop chaude et donc risque de piquer au contact de la langue). Il est donc conseillé de fumer de tels tabacs dans des pipes avec un long tuyau (churchwarden) ou de grand bols (et donc plus long tuyaux). Non seulement la pipe sera plus facile à tenir en main (le bol aura également moins tendance à brûler les doigts) mais la fumée aura le temps de se refroidir avant de venir en bouche !
 
Chacun a déjà constaté que certains moments, le tabac habituel, ne goute pas comme d’habitude. Cela dépends parfois de ce qu’on a mangé ou bu, d’une maladie ou de problèmes avec la digestion … d’où changement d’acidité dans la bouche. Et nous voilà reparti !
 
Quelques bons conseils quand on subit régulièrement ce problème !
·        Changez vos techniques de fumer la pipe : des petites bouffée régulières !
·        Eviter les tabacs avec un haute acidité : tabacs riches en sucre. Si un tabac particulier vous irrite régulièrement la langue,  changez de tabac. Il y en a assez pour que vous en trouviez un qui puisse vous convenir.
·        Faites attention à l’humidité du tabac à fumer : si trop sec = trop de combustion ! Par contre si trop humide le fumeur va compenser en tirant plus sur sa pipe et on arrive au même résultat. Donc pour les tabacs humides (et souvent les aromatiques) et laissez les sécher un moment.
·        Si votre pipe s’éteint, pas de problème. Cela arrive régulièrement même chez des fumeurs expérimentés. Rallumez-la, c’est tout.
·        N’insistez pas pour fumer votre pipe jusqu’au fond. Si il reste un tout petit peu, mieux vaut le jeter car si on rallume on risque de sentir la chaleur jusque dans le tuyau… et sur la langue !
·        Évitez de boire des boissons qui augmentent le picotement (alcools, boissons très froides, boissons gazeuses) ou de manger des aliments salés (chips).
·        Enfin, si le picotement est vraiment désagréable et intenable : brossez-vous les dents après avoir fumé, buvez un verre de lait (=basique !) ou du jus d’Aloe Vera. C’est souvent suffisant pour réduire l’inconfort momentané sur la langue.
 
Mais surtout, bonne pipe. Enjoy the smoke !

Super récit sur les différente façon d'aborder le tabac et le fumage de la pipe.
C'est claire et facile a comprendre,.
Merci Denis mc Kie, pour toutes ces bonne explication, et se gros travail de recherche.

Un grand merci pour le partage de ce remarquable exposé mon cher Denis.  

Voilà un exposé utile et une piqure de rappel pour les "vieux briscards".
Merci  Denis

Loic a écrit:et une piqure de rappel pour les "vieux briscards".

Ceux qui ont la langue pâteuse sans savoir pourquoi...

Voilà qui devrait servir aux nerveux du tirage et des mauvaises préparations de son tabac ; Bel Exposé ! merci Denis

Un très bel exposé, rappelant bien ce que tu nous avais déjà magistralement exposé dans un autre forum. Merci Denis !

Très bel exposé Denis 
C'est pour cette raison que dans toutes mes revues ou présentations j'insiste, parfois lourdement, sur le séchage et l'aération.

Et fumer lentement 

Une nouvelle fois un grand pour ce travail remarquable et utile, qui répond à beaucoup d'interrogations.

Je viens de relire avec intérêt ce remarquable post initié par Denis Mc Kie. On y apprend beaucoup sur la composition du tabac, notre manière de fumer et notre propre métabolisme.